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Ce n'est pas de dire « c'est mon territoire, c'est le mien ! » Juste dire comme ça... le gars qui dit ça, « c'est mon territoire », iI ne sait pas gérer son territoire
(ka nikaniwitc domicilié à Wemotaci).
DEPUIS PLUS DE TRENTE ANS, la Nation nehirowisiw1 (Québec, Canada) est engagée dans un processus de négociation avec les gouvernements fédéral et provincial dans le but à la fois de clarifier les questions de titre sur les terres, d'accroître son accès aux ressources naturelles et de transformer le système de gouvernance territoriale sur le Nitaskinan, son territoire ancestral. Les Nehirowisiwok visent, entre autres, à ce que la gouvernance territoriale se fasse en accord avec leur vision du monde et en mobilisant leurs institutions traditionnelles de prise de décisions (CNA 2004, 2006). Conséquemment, l'un des principaux enjeux de cette recomposition des institutions de gouvernance est la revalorisation du rôle traditionnel et central du ka nikaniwitc, chef de territoire nehirowisiw, dans les décisions concernant le territoire.
Cette volonté de revaloriser le rôle traditionnel du ka nikaniwitc et de le repositionner dans la gouvernance contemporaine du Nitaskinan soulève deux importantes questions auxquelles cet article tente de répondre. D'une part, il s'agit de savoir comment les Nehirowisiwok entrevoient le rôle contemporain du ka nikaniwitc et, d'autre part, de comprendre comment les ententes de cogestion entre l'État et les Premières Nations pourraient permettre à des institutions traditionnelles actualisées telles que le ka nikaniwitc de s'insérer dans les processus décisionnels concernant le territoire. Lapproche actuellement utilisée au Canada pour négocier des ententes de cogestion comporte des obstacles qui limitent les autochtones, dont les Nehirowisiwok, dans leur démarche d'actualisation de leurs institutions traditionnelles, ces limites faisant obstacle à la conclusion d'ententes de cogestion satisfaisantes d'un point de vue autochtone. Je démontre par ailleurs plus loin qu'une approche plus flexible de cogestion adaptative peut apporter quelques éléments de solution dans la négociation d'ententes entre les Premières Nations et l'État.
Comme le suggère la citation reproduite en épigraphe, la gestion du territoire implique davantage que de simplement réclamer un titre de propriété. Pour bien gérer, il faut connaître le territoire et développer les institutions appropriées. Cet article s'attarde donc au processus réflexif ayant présentement cours au sein de la nation nehirowisiw à propos...