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SURLEPLANSOCIAL, peu de questions ont eu autant d'importance et engendré autant d'incompréhension au Canada que les revendications territoriales des autochtones. À ce sujet, d'importantes différences existent entre les discours culturels émanant de l'État canadien, des Eurocanadiens et des premières nations. Et au coeur de ces différences se retrouvent des perspectives culturellement établies et des expériences se rapportant aux lieux mêmes qui font l'objet d'une revendication.
Dans cet essai, j'illustre ces différences à l'aide de trois exemples ethnographiques, se rapportant chacun à un lieu spécifique associé à une communauté salish de la côte nord-ouest du Canada. En explorant les discours rattachés au « lieu », je montre comment ces lieux sont devenus des carrefours de pouvoir, de culture, de tradition, de mémoire, d'identité, d'idéologie et de changement social pour les peuples salishs de la Côte. À travers ces exemples, la notion de lieu se révèle être une caractéristique importante des pratiques discursives à la fois des autochtones et des non-autochtones.
Le premier exemple présente les discours touchant un lieu bien précis, à savoir le mont Maxwell sur l'île Saltspring. Ici, des récits narratifs très différents au sujet du lieu laissent entrevoir l'existence de méta-récits qui soustendent des visions changeantes du monde. Ces visions du monde génèrent à leur tour de nouvelles réalités lorsque la prise d'actions politiques en favorise une au détriment de l'autre. Le second exemple montre comment une notion du « lieu » qui est régionale et centrée sur la parenté en vient à faire corps avec l'identité des communautés salishs de la Côte. Dès lors, cette identité est elle-même reconfigurée, jusqu'à un certain point, quand le gouvernement, par l'entremise de la Loi sur les Indiens, transforme les lieux en créant des réserves indiennes et en gérant les terres à travers un système de certificats de propriété. Ces reconfigurations significatives du lieu ont ainsi posé des défis multiples et importants aux communautés salishs. Enfin, le dernier exemple s'attarde à décrire un espace plus large, celui de la population hul'qumi'num-de-l'île, ainsi que les relations économiques et sociales qui sont organisées autour et à l'intérieur de ce territoire côtier. Cet exemple révèle comment les anthropologues travaillant parmi les Salishs de la Côte ont tracé sur des cartes des lignes qui simplifiaient énormément l'étendue des relations...