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Plutôt que la traduction des littératures à contraintes ou que la difficulté de traduire les textes à contrainte en passant d'une langue à l'autre, je souhaite aborder la question de l'imaginaire de la traduction dans « le grand incendie de londres » ou la manière dont Jacques Roubaud fait de la traduction à la fois un des objets et un des enjeux de son écriture en prose. Je me limiterai à la version du grand incendie de Londres (avec majuscule à Londres) publiée en 1989 et sous-titrée « Récit avec incises et bifurcations 1985-19871 ». Il s'agit en fait de la branche I, Destruction, version plus aisément transportable avec ses 196 « moments- prose » que le gros volume publié au Seuil en 20 092 (« un kilo sept cent cinquante de prose », selon les termes de Roubaud), qui rassemble six branches, mais pas la totalité d'une oeuvre proliférante et virtuellement infinie (La Dissolution et Tokyo infra-ordinaire ont été publiés à part). Dans cette première branche, je me pencherai sur le chapitre 5 (« Rêve, décision, projet ») qui commence par un « momentprose » intitulé « Ce chapitre est un peu difficile », ce qu'on aura en effet l'occasion de vérifier. Les incises correspondantes retiendront aussi mon intérêt. Dans cet ensemble localisé de textes, Roubaud explique quel rapport son écriture entretient avec la traduction. Nous verrons comment la traduction du rêve le conduit à mettre en place un « imaginaire des langues », puis quelle est la fécondité de cette dualité spéculaire et son enracinement biographique. Cette rêverie sur la traduction fait intervenir deux figures tutélaires : l'une occultée, celle de Proust ; l'autre ouvertement convoquée, celle de Perec.
Traduire « la langue adamique » du rêve
« Le cycle intitulé "le grand incendie de londres" est un objet littéraire non identifié » explique Florence Marsal dans Jacques Roubaud : prose de la mémoire et errance chevaleresque3.
Le va-et-vient, dès La Destruction, entre les moments de prose dédiés à des descriptions minutieuses des circonstances de composition, aux souvenirs des débuts d'un projet aussi vaste qu'encore vaguement défini, et aux analyses savantes de poétique, suffit à déconcerter le lecteur même le plus aguerri aux jeux oulipiens. Et aucune des deux alternatives - lire les...