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Depuis La Ville des pirates, on a peu de nouvelles de vous. Qu'estce qui a changé depuis ce film ?
A la fin des années soixante-dix et au début des années quane-vingt, on disait qu'on ne pouvait plus raconter l'Histoire et les histoires ; c'était un lieu commun de la modernité au cinéma même si le problème subsistait. Les histoires qu'on racontait étaient toujours séquentielles ; elles se développaient et se temünaient. Dans La Ville des pirates, j'ai réussi pour la première fois à rendre spatiale l'histoire, en créant une sorte d'atmosphère narrative sans vraiment raconter les histoires.
Etait-ce vraiment ce que l'on a appelé une expérience surréaliste ?
Je la qualifierais plus simplement d'impressionniste. L'idée consistait à faire flotter l'histoire et toutes les histoires sans les enraciner. Les histoires sont là, les images également, mais elles ne se connectent pas exactement. Les impressionnistes procèdent de même avec la mélodie. Le côté surréaliste, c'est autre chose. Ce n'est pas l'aspect mythique du cinéma, c'est son côté « cuisine ». J'utilisais des techniques et une réthorique visuelle surréaliste de la même manière que j'utilise celles de Walt Disney. Du Walt Disney, il y en a d'ailleurs beaucoup dans La Ville des pirates, particulièrement dans le travail des couleurs, et dans la manière de saturer les images avec la musique. Il y a constamment des « citations » de Debussy, de La Mer, en particulier.
L'envers du cinéma conçu comme mythe, ce serait l'aspect technique des images...
Oui, ça signifie l'utilisation d'un certain type de pellicule, d'un certain type de techniques qui surchargent d'informations les images et qui sont donc difficiles à maîtriser. Il y a une phrase de Paul Valéry qui m'habite tout le temps : « Toute chose vue qui n'est pas étrange est fausse. » Le cinéma est un art de faire voir l'étrangeté.
La Ville des pirates, c'est aussi un film politique.
L'origine de ce film était un choc personnel profond : mon retour au Chili après dix ans d'exil. Mais c'était surtout une façon de m'interdire une démarche et un rôle politiques.
Votre enseignement aux EtatsUnis et votre action culturelle au Havre n'étaient-ils pas une forme d'engagement politique ?
Bien sûr, mais c'était une eneur. Je me suis nompé à la...