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I. Introduction
En 1953, lors de la remise des premiers passeports européens attribués aux fonctionnaires de la Communauté Economique du Charbon et de l'Acier, Jean Monnet déclara :
« Vous savez que la Communauté du charbon et de l'acier a déjà établi la libre circulation des marchandises entre les six pays de la Communauté. Mais aujourd'hui, elle commence quelque chose d'au moins aussi important : c'est la libre circulation des personnes qui commence modestement, [...] mais c'est un commencement plein d'espoir»1.
Depuis cette date, le droit des personnes à circuler et à séjourner sur le territoire des États membres n'a cessé de se développer et il est devenu l'une des caractéristiques du Marché intérieur. Dès 1957, le traité de Rome (ci-après le TCE) consacre « l'abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation [...] des personnes »2. Les personnes concernées étaient initialement les ressortissants des États membres économiquement actifs, tels que les travailleurs salariés et indépendants et les fournisseurs de services. En 1990, grâce à l'adoption de trois directives3, la Commission étendit ce droit à de nouvelles catégories de personnes, i.e. les retraités, les étudiants et les personnes non actives, érodant ainsi le lien entre libre circulation, droit au séjour et activité économique. Le traité de Maastricht est venu consacrer cette érosion en introduisant dans le TCE un article 18 qui octroie à tout citoyen de l'Union « le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application ». La jurisprudence favorable de la Cour de justice de l'Union européenne (ci après la Cour de justice) a également participé à l'extension de cette liberté.
Toutefois cette liberté de circuler et de résider ne pourrait revêtir une telle importance si elle était réservée au seul citoyen. Les États ont formulé des appréhensions face à une libéralisation excessive de cette liberté, craignant qu'une mobilité accrue des personnes ne crée des menaces pour la sécurité publique ou pour la pérennité du modèle de l'État providence. Ils ont cependant reconnu que l'exercice de cette liberté devait être étendu aux membres de la famille du migrant, lui permettant ainsi de s'intégrer durablement dans son...